Cet article, signé Philippe Abline, est paru dans La République du Centre (14 décembre 2023).
Le projet né à l’initiative de l’Open agrifood, mêle agriculture, diététique, cuisine… Il sera proposé comme base de réflexion à un programme scolaire.
La cuisine, c’est comme les mathématiques. «Cinq grammes multipliés par cinq, ça fait combien ? » « Vingt-trois » « Quoi ? » « Vingt-ciiiinq ! », corrigent les camarades de cet élève de CE2 de l’école Sainte-Croix-Saint-Euverte. Les enfants ne répondent d’ailleurs pas à leur enseignant, Richard Cadeau, mais à un chef cuisinier, Nicolas Rota. Ils participaient, mardi, à leur deuxième atelier de cuisine. Au premier, ils avaient réalisé une salade de pommes de terre. Avec quel ingrédient ? « De l’huile de pépin de raisin ! » Cette fois ils fabriquaient du pain. Et toute la semaine, le menu du restaurant scolaire leur propose un exemple de ce qu’on peut fabriquer avec du blé : blé pilaf, feuilleté, pizza, tarte… Leur pâte, leur a appris le chef, leur servira à faire du pain. Mais il pourrait être utilisé pour un feuilleté ou encore une viennoiserie. Le blé, ils iront aussi le voir pousser à la ferme. Apprendre à cultiver est le deuxième pilier de ce programme dont l’initiative revient à l’Open Agrifood. Les autres sont : apprendre à cuisiner, apprendre à goûter et apprendre à choisir.
Florence Dupraz, présidente de l’association, met d’ailleurs « la main à la pâte » (elle aide les écoliers dans le pétrin avec leur pâton) lors de cet atelier organisé au sein du réfectoire. Elle est convaincue qu’il faut inclure dans les programmes scolaires une éducation à l’alimentation. Les programmes scolaires sont déjà chargés, admet Florence Dupraz. Tout en remerciant l’enseignant, Richard Cadeau, d’avoir accepté de participer à
cette expérimentation. Un challenge, comme le reconnaît lui-même le professeur des écoles, puisqu’en plus des apprentissages inclus dans le programme, il lui a fallu insérer une séance par mois et quatre visites (une ferme, le restaurant Chez Gric…), sans compter un temps, en juin, pour la préparation des mets que proposeront les élèves lors de la fête de fin d’année. Cette nouvelle matière occupe donc une grande place dans l’emploi du temps. Ce n’est pas du temps de perdu . La présidente de l’Open agrifood pointe les besoins : « Il faut absolument contrôler l’obésité, en plus des problèmes de santé ça entraîne une telle mésestime de soi chez les enfants ». L’initiatrice du projet ajoute un argument économique, le coût social de l’obésité en France (15 % des Français sont obèses) est estimé à 20 milliards d’euros. Avec l’expérimentation menée au sein de l’école privée orléanaise, Florence Dupraz, l’équipe éducative, le chef Nicolas Rota et tous les partenaires (restaurateurs, agriculteurs…) veulent montrer qu’il est possible de proposer un vrai programme de l’alimentation sans mobiliser des fonds énormes.
Agir dès l’école élémentaire est intéressant, selon Nicolas Rota, formateur au lycée hôtelier Saint-Louis de Montargis, membre de l’Académie culinaire de France et qui fait partie de ces « chefs qui s’invitent à l’école » dans le cadre de l’association Les enfants cuisinent. Parce que « ce sont les enfants qui commandent à la maison ». Et ils peuvent inciter leurs parents à composer des menus équilibrés. Cette action a aussi et surtout pour but de donner les bons réflexes plus tard. L’objectif est que ces enfants, lorsqu’ils seront étudiants, sauront cuisiner, connaîtront les produits qui sont les mieux pour eux et qu’ils préfèrent se mettre aux fourneaux plutôt qu’aller acheter un kebab ou un plat transformé. Sans s’interdire, bien entendu, un excès de temps en temps.